Heysel et Hillsborough: Liverpool sous le microscope

Pourquoi me parle-t-on toujours du Heysel et de Hillsborough quand je veux juste regarder un match de foot tranquillement ?

Chaque week-end, ils sont entre 40.000 et 50.000 à se réunir dans la banlieue nord-ouest de Liverpool. Leur antre s’appelle Anfield, leur couleur est le rouge, et leur mémoire est chargée de deux souvenirs douloureux nommés Heysel et Hillsborough.

Je vous présente les “Kopites”, les supporters du Liverpool Football Club.

Les supporters de Liverpool impliqués dans les drames du Heysel et de Hillsborough

 

You’ll never walk alone

Dans les années 1970 et 1980, Liverpool c’était le gratin du football mondial. Des victoires à la pelle, des trophées en veux-tu en voilà, et la naissance d’un hymne de supporters devenu mythique, « you’ll never walk alone », l’emblématique chant des Kopites qui provoque toujours quelques petits frissons…

 

L’impact du club et de ses supporters transparaît dans la culture anglaise des années 1970.  Un enregistrement audio du chant des fans peut par exemple être entendu à la fin de Fearless, le fameux titre des Pink Floyd dans l’album Meddle (1971).

 


Je vous mets juste la dernière minute mais vous pouvez redémarrer la vidéo accompagner la lecture de l’article 🙂
 

Les Pink Floyd, soit dit en passant, qui ne sont pas de Liverpool mais de Londres, contrairement aux Beetles, aux Beetles, aux Beat… (OMG, je viens juste de comprendre le jeu de mot dans Beatles !) … contrairement aux Beatles donc.

Moi qui pensait être très à l’aise en anglais, je viens de redescendre sur terre en écoutant l’accent locale des supporters de Liverpool :


Si, si… c’est bien de l’anglais
 

Ah c’est beau le foot, n’est-ce pas docteur ?

Sauf que voilà… Les Kopites ont sur leur beau maillot rouge deux énormes taches de sang. Deux tragédies impliquant des mouvements de foule, et qui sont parfois confondues par le grand public: Le Heysel (1985, 39 morts) et Hillsborough (1989, 96 morts). Il est vrai que les deux accidents implique le même club, qu’ils se sont tous deux déroulés dans les tribunes d’un stade, et qu’ils datent des années 1980.

Pourtant, ils sont fondamentalement différents. L’un est un problème de violence et de hooliganisme, tandis que l’autre a été causé par un défaut de logistique. D’ailleurs, les fans de Liverpool sont responsables dans un cas, et victimes dans l’autre. Voyons cela plus en détails…

Le Heysel: Violence et hooliganisme

L’accident du Heysel s’est déroulé lors de la finale de la coupe d’Europe qui opposait Liverpool à la Juventus de Turin le 29 Mai 1985 à Bruxelles.

Ce soir-là, environ 60.000 personnes assistent au match. La rencontre n’a pas encore débutée, mais les supporters des deux clubs sont déjà chauds comme la braise et s’envoient toutes sortes de projectiles d’une tribune à l’autre. Et à la bagarre, les anglais ne font pas dans la dentelle. Une centaine d’entre eux déclenche alors leur arme secrète : une prise de tribune. Il s’agit d’un mouvement violent typique de la culture hooligane britannique consistant à envahir la tribune du camp opposé. Les Kopites chargent la tribune adjacente et dégagent par la force les gens qui s’y trouvent…

 

Au heysel, un mouvement de foule a fait 39 victimes
Sur ces images, vous pouvez clairement voir la charge des anglais, qui arrivent par la droite, et la congestion de l’autre côté.

Le mouvement de foule du Heysel a été causé par les hooligans anglais

 

Effrayés par l’attaque des anglais, un millier de spectateurs s’agglutinent contre le mur opposé. La densité d’individus monte en flèche. Compressés les uns contre les autres, 39 personne meurent asphyxiées… Ici, une petite infographie explicative proposée par le journal Le Point.

Le drame du Heysel en infographie

 

Le procès du Heysel s’ouvre en octobre 1988. Le jugement est prévu en avril 1989. Par une incroyable coïncidence, c’est exactement à ce moment que s’est produit l’accident d’Hillsborough. Sauf que cette fois, ce sont les supporters de Liverpool qui sont victimes du mouvement de foule… comme si le destin avait voulu orchestrer sa propre vendetta.  

Hillsborough, ou comment mal gérer un flux de personnes

À Hillsborough, le contexte est complètement différent. L’accident n’est pas causé par la violence des hooligans, mais d’importants manquements dans la logistique et la planification de l’événement. Nous sommes le 15 avril 1989, juste quatre ans après le drame du Heysel. Environ 54.000 supporters assistent à la demi-finale de la coupe d’angleterre opposant Nottingham Forest à Liverpool au stade de Hillsborough (à Sheffield).

À l’entrée du stade, les contrôles de sécurité sont trop lent. Devant la queue de plusieurs milliers de personnes qui s’est formée, le chef de la sécurité improvise une solution : il décide d’ouvrir les grilles de sortie dépourvue de tourniquets pour que tout le monde puisse pénétrer dans l’enceinte du stade avant le coup d’envoi.

Bien mal lui en a pris ! Sans guidage, le flux massif de supporter se dirigent dans la mauvaise direction et pénètre dans une tribune déjà pleine. Sans se douter du danger (comment auraient-ils pu ?), des milliers de personnes essayent de se frayer un chemin dans les gradins bondés.

Ceux qui sont déjà présent à l’intérieur se retrouve comprimés contre les grilles. Quelques-uns échappent à l’écrasement grâce à une brèche dans le grillage ou en escaladant jusqu’au second étage de la tribune. Le bilan est de 96 victimes.

Peinture en mémoire du mouvement de foule de Hillsborough
Toile du peintre autrichien Georg Eisler intitulée “Hillsborough” (1989)

 

Des stades plus sécurisés

Dans le contexte suivant l’accident du Heysel, la police mis délibérément en cause des hooligans de Liverpool pour se couvrir de toute responsabilité. Mais cette fois, ils n’y étaient pour rien. La justice a remis les choses en ordre, en condamnant lourdement les autorités et les organisateurs du match. Ces derniers avouèrent qu’ils étaient préoccupé par les possibles débordement de hooligans, laissant de côté la logistique du flux de supporters. Ainsi, Hillsborough est en quelques sortes une conséquence indirecte du Heysel.

Depuis ces deux tragédies, les autorités ont pris conscience du pouvoir destructeur de la foule. Des conséquences ont été tirées en terme d’organisation des flux et des gestion des groupes violents. Les stades sont aujourd’hui bien plus sécurisés qu’auparavant (plus de grilles de séparation, place assise uniquement, etc…). Et depuis une décennie, les foulologues ont pris les choses en main. Ici par exemple, une expérience de fouloscopie organisée  pour tester les modèles d’évacuation de stade :

 

Au prochain épisode de ‘Foule et Foot’, je vous parlerai de l’étonnante synchronisation des applaudissements dans les tribunes et les salles de spectacle. En attendant, vous avez deux excellents articles de la série à votre disposition :

Foule pendant la coupe du monde de football

La Ola dans les tribunes de football, un mouvement de foule comme une onde

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Pour aller plus loin :

  • Il existe un excellent reportage de la Radio Télévision Suisse Romande sur le drame du Heysel. Vous pouvez le visionner ici. Mais âmes sensibles s’abstenir (moi, j’étais obligé de regarder…) (https://www.youtube.com/watch?v=wNV30RvPvs4).
  • A Schadschneider et al. 2009 Evacuation dynamics: empirical results, modeling and applications Encyclopedia of Complexity and System Science ed A R Meyers (Springer, Berlin)

 

2 réflexions sur “Heysel et Hillsborough: Liverpool sous le microscope”

  1. Ping : Pourquoi la Ola excite les physiciens ? - Carnets de fouloscopie

  2. Ping : Mouvement de foule : 10 conseils pour survivre (VIDEO)

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