Terrorisme et mouvements de panique

Je trouve que l’ambiance à la panique en ce moment dans les espaces publics… Vous ne trouvez pas, docteur ?


10 Juillet 2018.
Il est presque 22h lorsque plusieurs centaines de personnes, un brin éméchées, entonnent une joyeuse Marseillaise sur le cours Saleya du vieux-Nice. Nous sommes à quelques minutes du coup de sifflet final de France-Belgique et la foule tricolore commence déjà à célébrer la qualification des bleus pour la finale de la coupe du monde…

Mais cette chaleureuse ambiance “bière-Mbappé-pizza” va être soudainement interrompue par un événement inattendu :

Remarquez les premières personnes qui fuient à l’arrière dès les premiers instants de la vidéo (images France 3)
 

Le souvenir du 14 juillet 2016 est dans toutes les têtes et l’on imagine immédiatement le pire: une nouvelle attaque terroriste. La police intervient, les pompiers arrivent sirènes hurlantes, mais rien… fausse alerte !

Finalement, le bilan est d’une trentaine de blessés légers due à la bousculade, et une grosse frayeur collective. Quelques instants plus tard, le cours Saleya est déserté. Il reste bien une petite poignée d’irréductibles gaulois pour chanter “On est en finale !“, mais la majorité de niçois n’a plus vraiment la tête à la fête…

Terrorisme et mouvements de panique

Cette soudaine panique collective n’est en réalité pas un phénomène isolé. Ce type de mouvement se produit régulièrement en France et en Europe depuis 2015, l’année du début de la vague d’attentats qui a visé le vieux continent. Les images du cours Saleya ne sont en effet pas sans rappeler celles de la place de la République à Paris en 2015, quelques jours après les attentats du 13 Novembre :

Ou celles de la place San Carlo, à Turin, en juin 2017, dans la Fan Zone turinoise lors de la finale de la ligue des champions:

Tous ces exemples (et de nombreux autres, moins médiatisés) ont un point commun: la foule fuit un danger inexistant. Pas de terroriste à l’horizon, pas d’attentat… Juste une fausse alerte.

Les hommes-poissons

Les chercheurs vous diront que dans ces situations les gens se comportent … comme des sardines.

 

Ou comme des gazelles si vous préférez, c’est un peu plus glamour…

En effet, le comportement de fuite des piétons est en tout point similaire aux techniques d’esquives collectives déployées par certains animaux sociaux pour éviter l’attaque d’un prédateur. Bancs de poissons, nuées d’oiseaux, troupeaux de gazelles… Pour ces animaux, la meilleure façon de ne pas finir dans l’estomac d’un requin ou d’un guépard est d’imiter le moindre mouvement de ses voisins, le plus rapidement possible.

Dès qu’un membre du groupe détecte quelque chose de suspect – un bruit de branche cassée ou un courant marin inattendu –  il fuit dans la direction opposée, entraînant immédiatement ses voisins, puis par effet domino, les voisins de ses voisins, et ainsi de suite. La fuite se propage ainsi à toute vitesse à travers le groupe, permettant à tout le monde de profiter de la vigilance de chacun.

Et la technique est redoutablement efficace ! Les prédateurs échouent d’ailleurs, la plupart du temps, à capturer une proie.

 

Bon, par contre, si les prédateurs s’y mettent à plusieurs, les pauvres sardines n’auront que très peu de chance de s’en sortir indemnes, comme l’illustre cet extrait d’un super documentaire de National Geographic :

 

En fouloscopie, ce sont donc les mêmes modèles de déplacement qui sont utilisés par les chercheurs pour reproduire le comportement de fuite collective des piétons.

Notez bien qu’en temps normal, les humains vont plutôt prendre le temps de s’informer sur la nature du danger avant de fuir (nous ne sommes pas toujours de simples moutons de Panurge). Mais en période d’incertitude, lorsqu’une récente attaque terroriste a marqué les esprits, notre instinct naturel de petite proie vulnérable reprend le dessus…

Comme pour un troupeau de gazelles dans la savane, le mouvement de la foule peut être déclenché par un élément suspect. Un pétard, un cri, un homme au comportement louche, et une poignée de personnes prennent peur. Par imitation, la fuite se propage à l’ensemble de la foule, donnant naissance à ces impressionnants mouvements collectifs. La quasi-totalité des individus ignorent la raison exacte de leur course.

Donc si je vois quelqu’un courir, je cours. C’est bien ça, doc ?

Tiens, cela me fait penser à un sketch de Jamel Debbouze…

 

La technique est certes efficace pour éviter un prédateur dans la nature, mais en ville, elle a un sérieux inconvénient.  L’espace étant trop réduit, le mouvement de la foule va causer d’importantes congestions, et donc des risques de bousculades, de chutes, et de piétinement.
La panique de Turin a ainsi causée la mort d’une jeune femme, mortellement pressée contre un mur et fait plus de 1500 blessés. Ce jour-là, il y avait près de 30.000 personnes rassemblées dans la Fan Zone turinoise. Pour des rassemblements de moindre importance, un tel mouvement de panique entraîne plus généralement des dizaines de blessés légers.

Ne manquez pas l’épisode 2 de la série ‘Tremblements de foule‘ , dans lequel je parle des foules gigantesques qui se rassemblent tous les ans lors du pèlerinage de La Mecque…et des dangers que cela induit: 

 

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4 réflexions sur “Terrorisme et mouvements de panique”

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